233 ans après la première Fête de la Fédération et 234 ans après la prise de la Bastille, la Révolution française reste célébrée le 14 juillet, en France comme ailleurs, à l’image du Bastille Day aux États-Unis, pour lequel Bénabar et Passi se produiront à New York à Central Park. Au-delà des feux d’artifice, le produit de cette révolution évolue lui-même dans un contexte marqué par un autre processus de transformation de la société dans son ensemble : la révolution numérique. Et les Futures Licornes sont en première ligne.
Comme nous le rappellent à intervalles réguliers les nouvelles fonctionnalités ajoutées par les mises à jour des intelligences artificielles génératives comme ChatGPT et Midjourney, la révolution numérique est difficile à dater. Elle est la somme de plusieurs dates et datas, de différentes innovations dans les infrastructures, les appareils, les logiciels, les composants. Néanmoins, la Révolution française est elle aussi le produit de plusieurs facteurs sur le temps long : au-delà des rivalités politiques entre Louis XVI et Louis-Philippe d’Orléans, le développement de l’alphabétisation et la lente installation des Parlements au fil des siècles ont contribué à ce que le mouvement de contestation puisse être diffusé, amplifié et traduit politiquement. Signe que la révolution numérique est plus récente et moins mature, il est plus difficile de dégager une date et des éléments qui la symbolisent : smartphones, ordinateurs, data centers, infrastructures réseau…
Ces deux grands processus de transformation de la société ont engendré de grands bouleversements sociaux, économiques, politiques et ont bousculé des structures, méthodes et façons de penser et de produire traditionnelles. Remettre en cause la monarchie absolue impliquait de remettre à plat le système dans son ensemble et de promouvoir des valeurs proclamées par la République, telles que la liberté, l’égalité, la fraternité, et aussi la centralité de l’État jacobin. De même, les grandes transformations numériques ont profondément modifié l’organisation d’une chaîne de production, accéléré la diffusion de l’information, et ont détruit des emplois tout en créant d’autres.
L’une et l’autre se rejoignent singulièrement dans le numérique et les débats sur la régulation des contenus sur les grandes plateformes numériques. Les différents modèles réglementaires sont motivés par les intérêts nationaux des puissances qui les érigent mais ils sont aussi le produit d’une culture et d’une perception qui leur est propre. Sur la lutte contre la haine en ligne et la désinformation, c’est précisément la perception de l’humanisme défendue par la République française qui s’entrechoque avec les valeurs d’autres puissances comme les États-Unis ou la Chine.
Par les intenses transformations qu’elles engendrent, Révolution française et révolution numérique sont aussi synonymes d’instabilité et de détournement des idéaux initiaux. La fin du XVIIIème siècle a été marquée par des oppositions, lesquelles ont été fortement réprimées par le Comité de salut public et créant une véritable Terreur, notamment en Vendée. Le numérique suscite lui aussi des courants réfractaires avec des appels à la déconnexion, des attaques sur des infrastructures numériques, et des mouvements de défense de la vie privée.
Pour durer et créer de la valeur sur le long terme, la révolution numérique ne pourra pas s’en remettre uniquement à la seule data, denrée produite et utilisée de façon exponentielle. Tout comme les idéaux de la Révolution française ont traversé les siècles en se réclamant davantage de la souveraineté populaire et de l’État de droit que de la force des baïonnettes, la révolution numérique ne peut pas reposer sur la seule data et l’infrastructure : elle a besoin de champions qui portent des savoir-faire, créent des emplois, cultivent une excellence. La révolution numérique a besoin d’une capacité à déployer une souveraineté renforcée. Elle a besoin des Futures Licornes.