Qu’est-ce que l’INEC, quand a-t-il été créé et quel est sont objet ?
L’INEC est l’Institut National de L’Economie Circulaire. L’association, créée en 2013 par François-Michel Lambert, député des Bouches du Rhône, a pour mission de promouvoir l’économie circulaire et accélérer son développement grâce à une dynamique collaborative. Avec le cabinet Opeo, l’INEC vient de publier l’étude “Pivoter vers l’industrie circulaire. Quels modèles ? Comment accélérer ?”. »
Qu’est-ce que l’économie circulaire ?
A l’heure de la réflexion sur nos modes de vie remis en cause par le changement climatique, il est également crucial de s’interroger sur la pérennité de nos modes de production. Ceux-ci ne peuvent plus être linéaires : on ne peut plus penser en 2021 que la production se résume à extraire des ressources terrestres illimitées et qu’elle génère des déchets dont on doit se débarrasser. Le concept d’économie circulaire questionne précisément ce mode de pensée linéaire pour amener les entreprises vers des modes de production respectueux de l’environnement et du caractère fini des ressources terrestres. Dans le même ordre d’idée, le concept de « déchet » se trouve vidé de son sens dans l’économie circulaire car tout peut et doit d’une manière ou d’un autre être réutilisé. Cette réutilisation fait partie intégrante de ces nouveaux modes de production.
L’INEC est une association qui regroupe des entreprises de tailles diverses et variées qui souhaitent effectuer un pivot vers l’économie circulaire. Force est de constater que toutes les entreprises ne peuvent pas opérer ce pivot selon la même temporalité et selon les mêmes conditions, selon le secteur, l’implantation, ou l’organisation interne de l’entreprise concernée par exemple, l’INEC se charge précisément de les accompagner au cas par cas dans cette transition vers l’économie circulaire.
De quand ces théories datent-elles ?
Emmanuelle Ledoux, directrice de l’Institut national de l’économie circulaire (INEC), dans un entretien avec Caroline Tomaz de l’ADN, définit l’économie circulaire comme créatrice de « boucles infinies » de réutilisations. L’arrivée en France des théories de l’économie circulaire est relativement récente car elle ne date que d’un peu plus d’une dizaine d’années.
L’apport de la « crise Covid »
Paradoxalement, la pandémie mondiale de Covid-19 et la désorganisation massive des chaînes d’approvisionnement donne un coup d’accélérateur à la réflexion sur les transports et la logistique de l’approvisionnement des entreprises. L’organisation hautement mondialisée de l’approvisionnement et dépendante des transports sur de longues distances se révèle particulièrement fragile en cas de choc exogène, à cause de la fermeture des frontières. Mi-2021, un problème d’approvisionnement en matières premières se pose également pour certaines industries, bien que certaines frontières aient déjà été rouvertes, ce qui devrait générer des augmentations des prix par exemple dans l’industrie automobile. Par ailleurs, nous avons pris conscience que la sécurité sanitaire des pays européens pouvait être fortement mise à mal si trop de médicaments de base étaient produits hors de son territoire comme on l’a vu avec le paracétamol.
L’étude de l’extra-financier est un premier pas nécessaire
Le premier pas nécessaire de cette transition est évidemment la collecte et l’analyse des données extra-financières des entreprises. Mais la publication des évaluations extra-financières est la première étape qui doit amener les entreprises de réfléchir à ses modes d’organisation et de production pour limiter le plus possible l’extraction des matières premières et la production de déchets.
Cela ne coûte-il pas trop cher ?
Le principal frein qui effraie les directions d’entreprises est bien sûr le surcoût financier représenté par une telle transition. Or, Le surcoût ne doit pas empêcher de pivoter vers le circulaire – dans certains cas ce pivot permet même de réaliser de belles économies sur le long terme. Ce surcoût doit être assumé et intégré au modèle économique de l’entreprise. Il est possible et souhaitable de mobiliser les investisseurs publics et privés sur le sujet. Par ailleurs, une réflexion en concertation avec les pouvoirs publics doit être menée pour limiter les obstacles à cette transition pour les entreprises. Il n’est en effet pas normal qu’une collectivité qui a besoin d’une machine préfère l’acheter plutôt que la prendre en location pour être en mesure de récupérer la TVA.
Un cadre législatif en progrès
La loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) de février 2020 a marqué un pas en avant dans la facilitation de la transition vers l’économie circulaire en permettant de renforcer la responsabilité élargie du producteur. Par ailleurs, un travail doit être fait sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’écoconception à la réparation. Il faut également signaler la place faite à la transition dans le plan de relance.
Emmanuelle Ledoux indique en outre que l’INEC est en train de travailler à la création d’un indice de réparabilité qui sera très probablement d’une très grande utilité dans l’avenir. La transition implique également que les matières premières recyclables, dites MPR, soient disponibles dans des volumes suffisants pour une transition globale de l’économie. Aujourd’hui force est de constater que ces volumes sont parfois insuffisants, par exemple en ce qui concerne les volumes de papier recyclé.
Les éléments clés de la circularité
Parmi les éléments clés à prendre en compte dans le pivot vers la circularité, on trouve notamment :
– L’écoconception
– La réparation et la réparabilité
– L’organisation des filières
– La reverse logistic
Pour l’écoconception, la réparabilité et l’organisation des filières, Emmanuelle Ledoux donne l’exemple de SEB qui a été pionnier dans la réparabilité de l’électroménager à prix raisonnable pour ses clients. Le groupe est un exemple qui devrait inspirer d’autres entreprises du secteur et dans d’autres industries, à faire de même.
Reverse logistic, qu’est-ce à dire ?
En ce qui concerne la « reverse logistic », que l’on pourrait traduire littéralement par « logistique inverse » consiste à prendre en compte la durée de vie d’un produit dans sa totalité et à éviter le gaspillage de ressources et d’énergies. La directrice générale de l’INEC donne l’exemple de La Poste qui a pris l’initiative d’utiliser les véhicules de livraison du courrier après les tournées des facteurs pour que les véhicules ne roulent pas vides. Ainsi les employés de la Poste font de la collecte d’objets réutilisables dont les gens n’ont plus l’usage, des fournitures de bureau ou bien de petits objets électroménagers.
Dans les autres possibilités qu’offre la reverse logistic, on peut penser à la réutilisation des flacons de produits de nettoyage par la société Onet. Ce mouvement engagé vers la circularité a d’ailleurs permis à la société de faire de belles économies tout en réduisant son empreinte environnementale. Il repose également sur une organisation territoriale permettant de réduire les déplacements. Cette nouvelle logique d’organisation spatiale a été appelée « l’économie du PIB local » par le Directeur du développement durable du groupe Schneider. Cette économie implique évidemment les entreprises et les collectivités locales dans un travail de coopération.
Un exemple concret de ce travail de coopération ?
Ces problématiques s’appliquent également au secteur du bâtiment et de la construction. Il faut en effet des terrains pour entreposer les gravats si l’on souhaite leur réutilisation. Les solutions à ce genre d’interrogations sont souvent trouvées en concertation avec les acteurs de terrain dans un effort mutuel pour renforcer les logiques de circularité.
Le consommateur s’y retrouve-t-il ?
Il ne faut pas perdre de vue que si l’économie circulaire répond à des valeurs, à une éthique, et à des problématiques socio-environnementales, elle doit d’abord et avant tout rendre un service utile aux usagers-consommateurs. Il faut donc concilier efficacité et pertinence pour le consommateur et préservation de l’environnement.
Cela implique de proposer une alternative à un coût abordable qui répond véritablement aux besoins du consommateur en limitant la consommation des ressources naturelles. On peut penser aux propositions de locations d’outil proposées par certains magasins dans le secteur du bricolage qui mériteraient d’être développées et augmentées. Le but étant bien entendu que consommateurs, producteurs et commerçants s’y retrouvent. Il est nécessaire que le prix soit intéressant pour que le consommateur n’aille pas privilégier l’achat d’un objet de mauvaise qualité à bas prix dont il ne se servira que très rarement, ce qui constitue un désastre environnemental en tant que comportement de masse.
L’INEC s’attache à ne pas se poser en donneur de leçon, ceux qui adhèrent au projet de l’économie circulaire sont tous animés d’une volonté d’améliorer leur empreinte environnementale et il faut proposer des solutions pragmatiques et adaptées aux contraintes de chacun. Dans cet esprit, l’INEC a entrepris de créer son « école circulaire ».
Rapatrier la recherche et développement en France, une nécessaire réindustrialisation
La R&D soit bien sûr être mobilisée pour trouver de nouvelles solutions durables, la France gagnerait à retrouver plus de R&D sur son territoire pour circulariser les industries du pays. Il faut bien comprendre que tout ne repose pas sur de nouvelles technologies, les solutions circulaires peuvent être très pragmatiques et économes en technologie. Elles supposent un bon diagnostic, une anticipation des besoins, des ressources, des contraintes propres à chaque secteur d’activité. Par définitions, elles s’inscrivent dans une démarche holistique.
Une démarche à engager rapidement
L’urgence climatique doit constituer un puissant rappel aux entreprises. Plus tôt elles s’engageront dans des démarches de circularité, de récupération, de réutilisation et de reverse logistic, mieux ce sera pour tout le monde, elles y compris. L’attente elle aussi a un coût, et il est sans doute exorbitant.