En 1878 se tenait à Paris le premier Congrès International des droits de la femme. Les inégalités de salaires et d’accès à l’éducation pour les femmes étaient alors les préoccupations centrales. 150 ans se sont bientôt écoulés, le monde a connu plusieurs bouleversements et ces enjeux n’ont pas disparu. Mais que diraient les participants à ce Congrès s’ils se réveillaient en 2023 d’un long sommeil ?
Ils constateraient d’abord une prise de conscience collective. Tribunes dans la presse, publications sur les réseaux sociaux, manifestations publiques… L’opinion publique est sensibilisée aux enjeux des femmes dans l’entreprise, et pas uniquement le 8 mars.
Après avoir connu la Troisième République et Mac Mahon, empêtré dans une crise de gouvernance à la fin de son mandat, ils se réveilleraient en découvrant la Cinquième République, Macron et la succession de crises que subissent la France et le monde.
Les participants du premier Congrès International des droits de la femme constateraient avec grand intérêt les dispositifs ambitieux mis en place pendant leur léthargie. Depuis 2011, la loi Copé-Zimmermann prévoit que les conseils d’administration des sociétés cotées comptent au moins 40% de femmes en leur sein. Plus récemment, la loi Rixain est allée plus loin en imposant un quota de 30% de femmes dans les organes de gouvernance à compter de 2027, quota réhaussé à 40% en 2030 pour les entreprises de plus de 1000 salariés. Ces dispositifs, pour ne citer qu’eux, ont accompagné une solide dynamique positive : doublement de la part des femmes parmi les cadres aujourd’hui (43%) par rapport à 1982, 44% de femmes parmi les conseils d’administration, 22% de femmes parmi les comités exécutifs des 120 plus grandes entreprises françaises (contre 7% dix ans plus tôt)…
Mais les progrès sont à nuancer. A titre d’exemple, 3 femmes figurent parmi les dirigeants d’entreprises du CAC 40. Quotas, seuils obligatoires et contraintes suffisent-ils à changer les mentalités ? Ou bien sont-ils des pansements sur une jambe de bois ?
Dans des proportions différentes par rapport à 1878, l’éducation et la formation demeurent d’importants leviers sur lesquels agir pour améliorer la participation économique des femmes. C’est notamment le cas dans les métiers les plus rémunérateurs dans l’économie technologique, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et d’autres filières à forte valeur ajoutée. Il n’y avait pas ChatGPT en 1878 mais les participants du Congrès peuvent aisément le comprendre.
Les femmes demeurent minoritaires dans les filières à la fois sélectives et scientifiques, certes moins qu’en 1878. En 2022, elles représentent 29% des effectifs des formations d’ingénieurs. 23% des étudiants en DUT spécialisé dans les sciences informatiques sont des femmes tandis que près de 90% des étudiants se formant aux métiers du paramédical et du social sont des femmes. Cette tendance se confirme également à l’université où les formation scientifiques (y compris ingénieurs) sont occupées à 42% par des femmes, une hausse de 3% en 10 ans. Autre exemple, parmi les doctorants en sciences humaines et sociales, 55% sont des femmes tandis qu’elles représentent 32% des doctorants en sciences exactes (ingénieurs, chimie et matériaux…). Paradoxe d’une époque qui ne forme pas suffisamment mais qui impose des quotas en dépit du manque de profils à promouvoir et qui peine à résoudre l’enjeu du ralentissement de la carrière post-maternité.
Cet enjeu conserve une dimension internationale. C’est pourquoi il est important de mobiliser à l’échelle internationale les acteurs de la société civile, les entreprises, les organisations internationales et les États, à l’image du forum Génération Égalité il y a près de 2 ans pour s’inspirer de solutions pertinentes et nous permettre d’attendre moins de 150 ans pour de nouvelles avancées significatives.