« Vivement le Facebook européen ! »

À partir du 16 décembre 2025, Meta utilisera les conversations entre ses utilisateurs et ses assistants d’intelligence artificielle pour affiner le ciblage publicitaire sur Facebook et Instagram. A quelques jours de Noël, cet approfondissement de l’exploitation commerciale des données personnelles va personnaliser davantage les publicités en s’appuyant également sur les commandes vocales exprimées aux lunettes connectées, les images analysées, ou les vidéos générées sur le nouveau service Vibes.

Dans ce ciblage algorithmique, qui est la cible ? L’utilisateur d’une certaine façon même s’il peut dans de nombreux cas apporter son consentement à avoir des publicités plus en phase avec ses goûts, ses besoins et son budget. Mais à bien y réfléchir, d’un point de vue macroéconomique, l’Europe fait figure de proie idéale. Elle continue d’évoluer dans un environnement numérique façonné par des modèles étrangers, singulièrement américains et chinois, avec leurs règles, leurs logiques et leurs valeurs. L’assistant IA Meta recommande des produits, les services publicitaires de Meta les présentant dans le fil et peut-être demain sera-t-il possible d’acheter directement sur la plateforme (au-delà de la marketplace existante) comme le permet WeChat en Chine. Comment être certain que l’IA de Meta ne soit pas incitée à recommander des produits américains plutôt qu’européens ? Comment vérifier une éventuelle opacité dans la recommandation ?

Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) est-il assez robuste pour concilier cette innovation publicitaire avec la protection de la vie privée ? Et surtout, l’Union Européenne peut-elle compter sur une alternative à ce taylorisme de la donnée ? Où est ce Facebook européen ?

Ce qui est en jeu dépasse la seule efficacité publicitaire. C’est un enjeu de souveraineté technologique et économique dans un espace numérique de plus en plus intégré aux comportements quotidiens. Cette ultra-personnalisation peut d’ailleurs diminuer l’ouverture des consommateurs à de nouveaux produits en les enfermant dans leurs goûts et leurs certitudes, comme cela a pu être fait sur les opinions politiques avec des fils d’actualités personnalisées qui renforcent les opinions existantes. LLM, clouds de confiance, infrastructures… Tout appelle à plus de souveraineté stratégique dans ce que nous pourrions qualifier de SAIA (Shopping Assisté par Intelligence Artificielle) comme ailleurs. Vivement le Facebook européen !